Atelier de Lectures Oecuménique du 12 septembre 2024
Résumés de quelques livres coups de coeur
L’HOSPITALITÉ
De la parole aux actes
NInian Hubert van Blijenburgh et Elisabeth Parmentier
(Édité par la plateforme interreligieuse de Genève)
L’expérience de l’hospitalité est connue de chacune et de chacun. Pourquoi l’humain accueille-t-il et au nom de quelles valeurs ? Comment vivre cette hospitalité réelle dans le cadre du dialogue entre communautés et personnes de religions et de convictions différentes ? Ces questions ont fait l’objet, le 15 mars 2023, d’une Journée d’étude organisée conjointement par la Plateforme interreligieuse de Genève, l’Institut lémanique de théologie pratique, la Faculté de théologie de l’Université de Genève et de Lausanne, avec la participation de la Bibliothèque de la Ville de Genève (Musée Voltaire). Des divers exposés et témoignages présentés à cette occasion, il en a été retenu deux pour les publier dans le présent livre…
Proposant tout d’abord, par une analyse exigeante et une démonstration percutante, un parcours permettant de passer de la peur et de la méfiance à l’accueil de l’autre, différent, Ninian Hubert van Blijenburgh, anthropologue, met ensuite en évidence, à l’appui des récentes découvertes et expériences en anthropologie, les défis à relever pour que les êtres humains progressent en ouverture et en accueil de l’autre.
Dans le dialogue interreligieux, l’hospitalité, symbole par excellence de cette ouverture, peut se vivre de diverses manières dans des rencontres ou des actions communes. Mais est-il possible de prier ensemble ? Si oui sous quelles formes en tenant compte du désir de respecter les convictions des uns et des autres ? Au travers des expériences déjà vécues et des recommandations publiées par diverses institutions, Elisabeth Parmentier, professeure de théologie pratique, nous invite à découvrir les limites et les possibles.
LES PÈRES DU DÉSERT VOUS PARLENT, LES MÈRES DU DÉSERT AUSSI
Michel Barlow
(Editions Olivetan)
Une petite centaine de pages de pur bonheur : de l’humour, du spirituel, du théologique.
Des textes percutants et des illustrations qui rendent ces abbas (pères ou papas) et ammas (mères ou mamans) un peu plus proches.
L’auteur et l’illustratrice nous invitent à découvrir les apophtegmes (un « gros mot » à découvrir dans cet ouvrage !) de ces pères et mères du désert avec la légèreté que certains propos saugrenus imposent, et pourtant avec une profondeur spirituelle significative.
Ces hommes et ces femmes qui ont tout quitté pour s’isoler, plus ou moins, dans le désert, ont eu à cœur de suivre à la lettre l’Évangile. Leurs gestes et leurs paroles ont encore des choses à nous dire et peuvent encore nous faire sourire… et cela n’est pas négligeable.
Il y a seize ou dix-sept siècles, non loin d’Alexandrie en Égypte, des hommes et des femmes s’étaient installés dans de pauvres huttes au milieu des dunes. Dans la solitude ou en se groupant en communautés, ils s’efforçaient de vivre l’Évangile à 100 % dans une parfaite fidélité au message de Jésus. Mais leur amour passionné du Christ les amenait parfois à des excentricités qui attiraient les foules toujours curieuses de spectacles pittoresques.
Ce petit livre, écrit et illustré avec humour, retrace le portrait de quelques-unes et de quelques-uns de ces chrétiens surprenants, dont les paroles ou les propos souvent farfelus n’étaient que le déguisement de leur foi ardente. Par leurs paroles les plus sages comme par leurs petites ou grandes folies en action, ils nous entraînent comme en farandole vers ce qui était le cœur brûlant de leurs vies. Mais après tout, pourquoi « l’essentiel de l’essentiel » ne pourrait-il pas se dire avec un sourire amusé ?
AGNES ET LEONARD
Agnes Furey et Leonard Scovens
(Editions Olivetan)
Quand Agnes Furey a perdu Pat, sa fille de quarante ans, et Christopher, son petit- fils de six ans, assassinés en 1998 par Leonard Scovens, aucun mot ne pourrait décrire l’effondrement de son cœur. Malgré tout, plutôt que la haine, Agnes a choisi la paix, et elle a contacté Leonard dans sa prison. Agnes et Leonard – Un parcours de justice restaurative raconte l’histoire vraie de leur restauration. À travers des poèmes, de courtes pensées, des lettres, Agnes et Leonard expriment leurs émotions et leurs réflexions. Ce n’est pas un récit de pardon mais plutôt de compréhension, l’histoire d’une survivante et d’un criminel trouvant une communion au sein même de leurs luttes respectives avec la peine et la souffrance. Dans ce cheminement s’élaborent leur identité spirituelle et leur désir d’aider ceux qui traversent de semblables circonstances. Témoignage précieux du cœur humain et de sa capacité à aimer, Agnes et Leonard montre comment la grâce a été rencontrée dans les ruines d’une tragédie.
La justice restaurative est un mode de règlement des conflits qui vise la restauration des personnes, suite à une infraction. Pour cela, elle passe par l’échange, la discussion et la communication, rétablis entre les personnes concernées.
La justice restaurative n’est pas rendue par l’Etat et ne vaut pas un jugement. Elle ne remplace pas le procès pénal mais le complète.
LE DÉFI DE LA NON-PUISSANCE (F. Rognon)
Jacques Ellul et Bernard Charbonneau
(Editions Olivetan)
De plus en plus de voix s’élèvent pour avertir que notre monde surexploité est au bord du gouffre, face à l’abîme. Des vagues de panique collective risquent fort de s’enchaîner dans les temps à venir, en écho au déferlement des catastrophes climatiques et des désordres sociaux ou des conflits armés qui vont en découler.
Face à la complexité de ces phénomènes que nous maîtrisons mal, il nous manque une grille de lecture qui nous permette de « penser globalement » et aussi de dessiner des pistes d’action. Or ces outils d’analyse de l’évolution du monde et ces préconisations comportementales ont été patiemment élaborés tout au long du 20e siècle par deux penseurs majeurs dont la voix a été trop peu entendue à leur époque.
Sur une période de plusieurs dizaines d’années et dans une étonnante stimulation intellectuelle mutuelle, Jacques Ellul le croyant et Bernard Charbonneau l’agnostique ont analysé ensemble la « Grande Mue » dans laquelle notre civilisation technologique s’est lancée, et ont proposé d’entrer dans une forme de résistance à ces évolutions, par une « éthique de la non-puissance ». En retrouvant l’actualité de leurs textes, Frédéric Rognon nous embarque dans une aventure décapante qui remet en question notre regard, nos habitudes de pensée, nos styles de vie.
Mais c’est sans doute la condition pour qu’un rai de lumière perce les ténèbres de l’avenir. Tel est le prix de l’espérance. (Olivetan)
Si le nom de Jacques Ellul (1912-1994) n’est pas inconnu de ceux qui s’intéressent à l’écologie, celui de son ami Bernard Charbonneau (1910-1996) l’est nettement moins. Frédéric Rognon a eu la bonne idée d’étudier en parallèle le développement de leurs œuvres. Les chapitres présentent les nombreux livres et articles dans l’ordre chronologique. On y retrouve les grands thèmes qui restent des points d’attention : critique du « système technicien » et de la puissance qui lui est associée, rapport entre ville et campagne, dénonciation de la dictature de l’image, importance de la limite et de la sobriété, nécessité de décélérer, etc. Sur fond de grande proximité et d’influences réciproques, des différences apparaissent : Charbonneau paraît plus sensible à la nature et à l’inscription dans un terroir (le Béarn), la pensée d’Ellul est radicalement théologique (seul Dieu permet de prendre du recul à l’égard du système technicien). Il y a dans les deux cas, mais surtout chez Ellul, une démarche profondément dialectique : pas de résurrection sans passage par la croix. La voie de la non-puissance (le choix de ne pas faire ce que l’on pourrait faire), inspirée de l’attitude de Jésus, est la seule issue pour sortir de l’impasse actuelle. Cet ouvrage est une bonne introduction à deux penseurs encore très actuels.( Revue-Etude)
AU PIED DE LA LETTRE
Elian Cuvillier
(Editions Labor et Fides)
Faut-il «expurger» la Bible des passages choquants pour notre mentalité d’Occidentaux du XXIe siècle? En guise de réponse, cet ouvrage confronte le lecteur à quelques textes du Nouveau Testament difficiles à interpréter, déroutants, étranges, parfois gênants ou, avec le temps, devenus «politiquement incorrects».
Devant ces passages, la tentation est grande d’écraser le sens sous la lettre, ou bien d’écraser la lettre sous le sens qu’on veut y trouver.
Au pied de la lettrepropose ici une inclinaison patiente pour cueillir le sens à sa racine et jusque dans son déploiement dans l’aujourd’hui de nos vies. Une lecture qui surmonte avec finesse un double écueil: celui de tordre les lettres du texte et celui de prendre le texte à la lettre. (Olivetan)!
Le professeur Élian Cuvillier, qui a enseigné de nombreuses année le Nouveau Testament à la faculté de théologie protestante de Montpellier avant de devenir enseignant en théologie pratique, nous propose un ouvrage pratique pour découvrir des passages bibliques avec lesquels nous avons du mal. Il y a, parfois, des textes devenus inaudibles – des textes où il est difficile d’entendre l’Évangile, une Bonne Nouvelle. Quelques textes pourraient même donner le sentiment d’être porteurs d’un « dysangile » (mauvaise nouvelle).
Pour nous aider à lire le Nouveau Testament, Élian Cuvillier nous fait redécouvrir cinq passages d’Évangile, cinq passages dans les lettres de Paul, un dans la lettre de Jacques et deux dans l’Apocalypse. Son propos est d’être au plus près de la lettre (p. 11), sans devenir pour autant littéraliste. Pour lui, interpréter un texte ce n’est pas seulement trouver le sens du texte, mais découvrir les sens possibles : du sens en excès par rapport aux lectures habituelles (p. 175).
Il ne livre pas de méthode pour trouver les bons sens possibles. Il n’est pas non plus possible de programmer le moment où on va trouver un sens nouveau. Mais il aide à hâter ce moment de l’interprétation qui innove. Reprenant le propos de Derrida selon lequel l’interprétation c’est plus d’une lecture (p. 177), Cuvillier comprend qu’il s’agit de refuser la lecture traditionnelle (plus de cette lecture-là) et d’envisager qu’il y ait d’autres lectures (plus d’une seule lecture et donc une ouverture de sens). Cela est possible lorsqu’on se place au pied de la lettre et qu’on ne néglige aucun détail. Cela revient alors à retourner à la lecture traditionnelle et à entendre plus que ce qu’elle dit.
À quoi bon lire la Bible ?
Pour y découvrir des paroles structurantes dans quatre domaines :
– L’être humain ne se fonde pas lui-même
– Limitation de la tentation de l’illimité
– C’est l’altérité et non le fusionnel qui permet l’épanouissement de l’être humain
– Proclamation de l’anti-destin
Élian Cuvillier observe cela dans l’épisode de Matthieu 15/21-28 où Jésus assimile une femme étrangère à un petit chien ; quand il est annoncé que tous les blasphèmes seront pardonnés, mais pas le péché contre le Saint-Esprit ; dans le plagiat par anticipation qu’on observe en Jn 20/30-31 et Jn 21/25 sur le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi ; dans cette série de formules étonnantes « vivre comme non » (plutôt que « faire comme si ») en 1 Corinthiens 7/29-31 ; le salut par la maternité en 1 Timothée 2/15 ; l’urgence supposée en Apocalypse 1/1,3 ; la fausse opposition entre Paul et Jacques entre la foi et les œuvres (Jacques 2/14-16) – ce qui permet de rappeler non seulement une opposition à une théologie du mérite, mais aussi une théologie de la bonne phrase, du slogan qui ne produirait aucun acte, qui n’engagerait pas à aimer son prochain.
Par ailleurs, Élian Cuvillier mène également l’enquête pour savoir ce qu’écrit Jésus, la seule fois où il est indiqué qu’il écrit, et cela à deux reprises (Jean 8/6-8). Si Paul peut nous être d’une aide précieuse pour imaginer ce qui a été inscrit par Jésus, il est utile, également, de rejoindre la lettre du texte grec, ce que l’auteur est bien placé pour faire. Cela permet de découvrir un Jésus qui rejoint la femme dans sa blessure et la protège de ses agresseurs.
Ce livre nous incite à entreprendre, nous-mêmes, la traversée de ces textes apparemment difficiles. Ils s’avèrent riches d’enseignements précieux.
(blog du pasteur James Woody Esprit de liberté)!
DIEU, MARIANNE ET LES GARÇONS (Juillet 2024)
Gérard HOUSSIN
Illustrations de Tom Prothière
Editions Saint-Léger
Le dimanche 14 juillet, dans le quartier d’une petite ville, Pierre emmène sa cousine Marianne à la messe. Elle entre pour la première fois de sa vie dans une église. Marianne se passionne, au grand étonnement de son père, directeur de l’école laïque. Mille questions fuseront au cours des visites de l’église, au long de toute l’année liturgique. Pierre, catéchiste en herbe, aidé par son ami François, fait preuve d’une belle spiritualité dans ses réponses spontanées, face aux interrogations déroutantes de sa cousine :
—C’est quoi le vin de messe ? Jésus, c’est un paysan qui sème son blé ? Son père, c’est Joseph ou pas ? Sur le vitrail, qui donc a un arbre qui lui pousse dans le ventre ? La vie éternelle, c’est automatique ?
Les homélies du jeune curé Timothée, complice du trio, apporteront des éclairages sur les Ecritures. Mais finalement, la foi se transmettra-elle, si elle est un don de Dieu lui-même ? le suspense reste entier au fil des chapitres.