Culte du 26 janvier 2025
Textes
Genèse 50, 15-21 Romains 14, 12-13

15 Quand les frères de Joseph virent que leur père était mort, ils dirent : Et si Joseph devenait notre adversaire et nous rendait tout le mal que nous lui avons fait ! 16 Alors ils firent dire à Joseph : Ton père a donné cet ordre avant de mourir : 17« Vous parlerez ainsi à Joseph : “S’il te plaît, pardonne la transgression de tes frères et leur péché, car ils t’ont fait du mal ! Je t’en prie, pardonne maintenant la transgression des serviteurs du Dieu de ton père !” » Joseph se mit à pleurer quand on lui dit cela. 18 Ses frères eux-mêmes vinrent ; ils tombèrent à ses pieds et dirent : Nous sommes tes serviteurs. 19 Joseph leur dit : N’ayez pas peur : suis-je à la place de Dieu ? 20 Le mal que vous comptiez me faire, Dieu comptait en faire du bien, afin de faire ce qui arrive en ce jour, pour sauver la vie d’un peuple nombreux. 21 N’ayez donc pas peur maintenant ; je vais pourvoir à tous vos besoins et à ceux de toutes vos familles. Il les consola et parla à leur cœur.
Prédication
Pasteur Benjamin Limonet
Ils sont douze : les douze fils de Jacob. Des fils que le patriarche a eu avec ses deux femmes, Rachel et Léa, et leurs deux servantes, Zilpa et Bila. Pour être tout à fait exact, ils ne sont pas douze mais treize. Eh oui, car il y a une fille, une seule, Dina. Une famille nombreuse s’il en est, dont les membres sont loin d’avoir des comportements exemplaires mais une famille qui est pourtant l’objet de la bénédiction de Dieu.
Pourtant, cela ne semble pas gagné d’avance pour qui découvre la vie conjugale et familiale tourmentée de Jacob dans le livre de la Genèse. On ne sera pas étonné que ses enfants soient eux aussi partie prenante de disputes aux conséquences parfois graves… Mais ici, au dernier chapitre, le patriarche est mort, non sans avoir donné sa bénédiction à ses enfants. Aux treize ? Non, à ses douze fils uniquement. Mais revenons un peu en arrière.
Les rivalités entre les douze frères – quelle fratrie y échappe ? – suivent en réalité les lignes de partage entre les quatre mères. Mais entre les quatre, Jacob a une préférée, Rachel, qui est justement la mère de Joseph. Elle lui donne naissance bien après les multiples grossesses de Léa et des deux servantes qui sont autant d’humiliations pour la pauvre Rachel. Joseph n’est donc pas le premier enfant de Jacob et pourtant, nous avons souvent l’impression qu’il est l’ainé de cette fratrie. Sans doute, Joseph sait qu’il est le fils de la femme préférée de son père et il en joue. On pourrait même dire qu’il crâne un peu. C’est un jeu risqué que celui d’exciter la jalousie chez les autres. À un moment du récit, s’il échappe de peu à la mort que ses frères, exaspérés par ses rêves de grandeur, lui avaient réservé, c’est qu’à la dernière minute, ils préfèrent le vendre comme esclave à des marchands de passage. Joseph l’a échappé belle. Dieu l’a-t-il protégé ? Vous connaissez peut-être la suite : de péripéties en péripéties, Joseph parvient à monter les échelons du système égyptien grâce à la sagesse évidente dont Dieu l’a doté.
Les onze autres n’avoueront jamais à leur père avoir projeté la mort de leur frère et, sans nouvelle de son fils, Jacob portera longtemps le deuil, persuadé qu’il est que Joseph a été dévoré par une bête sauvage. Même après que ce dernier, devenu administrateur du royaume d’Égypte, se soit fait reconnaître à ses frères venus acheter du blé pour survivre à la famine ; même après que Joseph ait obtenu du pharaon une sorte de regroupement familial avant l’heure et qu’il ait retrouvé avec émotion son vieux père, Jacob finira par mourir sans jamais connaître le fin mot de l’histoire. Cela n’empêche pas le rédacteur de nous présenter un Jacob débordant d’amour pour ses fils, tous ses fils, parvenant à réunir le persécuté d’hier et ses anciens persécuteurs.
Sa dernière bénédiction montre pourtant que les préférences ont la vie dure : Ruben, le premier-né, y perd son statut d’aîné et Joseph est institué chef de ses frères. Alors, un conseil, au passage : ce n’est pas parce que c’est dans la Bible qu’il faut appliquer au pied de la lettre les choix de certains personnages aussi renommés soient-ils… Mais heureusement, sur cette famille que nous qualifierions volontiers de dysfonctionnelle, le Seigneur veille. Il le fait de manière étonnante, en mettant Joseph face à ses frères. Vous me direz, à cet endroit du récit, ils se sont déjà retrouvés face à face et Joseph semble même avoir pardonné à ses frères. Mais est-ce si sûr ? Quand quelque chose de très grave advient dans une famille, souvent le temps qui passe cimente la douleur plutôt qu’il ne l’apaise.
Le moment de la réconciliation semble pourtant venu. Il est temps en effet de dépasser ce drame sordide. La nouveauté, si je puis dire, ce qui rend possible un nouveau départ dans notre passage, c’est que Jacob n’est plus. Oui, car précisément, la mort du patriarche fait prendre conscience aux onze de leur précarité. Sur quoi, sur qui vont-ils pouvoir s’appuyer désormais ? Ne leur reste que ce frère autrefois haï, devenu haut dignitaire d’un pays étranger qui leur a donné asile. Joseph, pas bégueule du tout, a de surcroît favorisé leur intégration mais ils mesurent tout à coup l’ampleur de leur dépendance. Et s’il se retournait contre nous ? Le souvenir de leurs actions passées n’avait pas disparu mais il est ici ravivé par le décès du père. Une question peut alors venir à nos lèvres : pourront-ils trouver secours dans la foi ? Ils semblent tellement dépourvus d’une foi personnelle sur laquelle baser leur conduite de vie qu’ils n’arrivent à faire référence qu’à la religion de leur père, comme si ce n’était pas vraiment la leur.
Pas vraiment ou pas encore ? Car voilà comment Joseph interprète l’histoire, son histoire : une suite d’événements voulus par Dieu. On pourrait se demander en quoi une déportation comme esclave peut être voulue par Dieu. Cependant, c’est son interprétation, forcément subjective, mais digne de foi. Pour lui, Dieu a agi et l’a finalement protégé. Dieu a également fait de Joseph un instrument au bénéfice de sa famille, ancêtre du peuple d’Israël. Grâce à lui, elle a pu échapper à une famine qui menaçait ni plus ni moins de la faire disparaître. C’en aurait été fini pour les descendants d’Abraham et d’Isaac.
La mention par ses frères de cette foi qui n’est pas encore complétement la leur fait en tous cas pleurer Joseph d’émotion. Oui, la mention de la foi du père provoque en lui un véritable choc émotionnel. Ses larmes sont sa confession de foi. En un instant, tout s’éclaire. Faisant le bilan de sa vie, une vie d’épreuves mais aussi riche de bénédictions – il a fini par obtenir tout ce dont un homme peut rêver – Joseph y reconnaît la main de Dieu, puissante et agissante. Il reconnaît à Dieu sa juste place, une place qui colle parfaitement à son histoire familiale : il est le Dieu de la réconciliation. Ils en avaient bien besoin, ces treize-là ! Oui, car j’ai envie d’inclure à nouveau Dina, la fille unique, dans cet avenir qui s’ouvre et peu importe qu’aucune tribu ne porte son nom.
Dans ce récit, Joseph peut nous sembler bel et bien au-dessus de ses frères, un cran au-dessus, un homme extraordinaire en somme. Mais c’est tout le contraire et il nous le dit : suis-je à la place de Dieu ? Non, bien sûr. Il ne veut pas entendre parler de l’offre de ses frères quand ils se proposent en esclavage. Il n’est pas question pour Joseph de priver ses frères d’un avenir de bénédictions. Il rend possible, il ouvre la voie à une nouvelle relation, basée sur la réconciliation. Ce faisant, il se libère lui-même : ce n’est plus Joseph le fils de la femme préférée, ce n’est plus le chouchou au bénéfice d’une bénédiction paternelle appuyée, c’est Joseph tout court, individu à part entière.
Si ce récit vient titiller nos histoires personnelles et particulières, ce n’est pas pour nous culpabiliser sur notre incapacité à pardonner ou à demander pardon. Mais nous pouvons y entendre une invitation à remettre sans tarder à Dieu ces vieilles histoires trop lourdes pour nous. Du mal, de tout mal, Dieu souhaite qu’il en résulte du bien.
De tous nos drames et conflits familiaux, de toutes les situations de blocage qui nous épuisent, des histoires du passé dans notre communauté aussi, qu’elles soient passagères ou plus tenaces, Dieu veut faire jaillir la vie.
Cessons donc de nous juger les uns les autres rappelait l’apôtre Paul aux Romains. En Christ qui nous a précédé dans le pardon et avec l’aide du Saint-Esprit, ouvrons-nous au réconfort de ce récit qui parle à notre cœur.
Amen
Dimanche 2 février
10h30 Culte avec Cène
Bonne semaine !