Culte du dimanche 29 décembre 2024
Textes
1 Samuel 1.20-28
1 Jean 3.1-24
Luc 2.40-52
Prédication
Pasteur Benjamin Limonet
A l’approche d’une nouvelle année synonyme chez beaucoup de nouvelles – et forcément bonnes – résolutions, il peut être salutaire de se poser un instant et se demander, avant qu’elle ne commence : « qu’est-ce que j’attends de l’année 2025 ; qu’est-ce que j’attends – encore – de la vie ? » Est-ce le bonheur ? La paix dans le monde ? Une réconciliation avec un proche ou un ami ? Un nouveau départ ?
Est-ce qu’au contraire, je me considère comme quelqu’un qui n’attend plus rien du monde ou de la vie ? Définitivement blasé ou « blindé » contre toute espérance, la faute à trop de déceptions peut-être ?
C’est plutôt ce genre d’état d’âme qui devait régner parmi les premiers auditeurs du prophète Jérémie : un sentiment général de désespérance et de déception. Sans faire un cours d’histoire, il faut rappeler que nous nous situons après le premier siège de Jérusalem par les Babyloniens (597). Une partie de la population a déjà été exilée. Jérémie et les élites sont restées en place dans la ville mais tout n’est que ruine et désolation. Comment croire encore à une quelconque alliance entre Dieu et son peuple ? L’absence de Dieu semble tellement criante, tant pour ceux qui ont été déportés au loin que pour le petit nombre resté sur place.
Le prophète invite les siens à changer leur regard sur Dieu. Et malgré les siècles et même les millénaires qui nous séparent de ces évènements, n’oublions pas que nous sommes aussi auditeurs et lecteurs de ces paroles. Voilà donc la teneur du message de Jérémie : les lois de Dieu doivent cesser de nous être extérieures et fatales sous forme d’obligation rituelle ou légale. Ce serait la meilleure façon de les transgresser et de nous conduire à la mésalliance, cet état désagréable où nous ne pouvons que constater le fossé cruel qui nous sépare de Dieu. La loi divine n’est pas une obligation qui s’impose à nous car Celui qui a fait alliance n’est pas un idéal abstrait : c’est le Dieu vivant, qui se tient près de nous, qui fait alliance avec nous et qui nous veut comme partenaire.
« (…) je graverai mon enseignement dans leur cœur » déclare le Seigneur. Cette loi n’a rien à voir avec des observances légales. Prenons par exemple les lois qui régissent l’organisme : ces lois sont inscrites dans notre personne. Nous n’avons pas à les apprendre par le Journal Officiel. L’enfant qui nait respire spontanément, tout au plus après une petite tape de la sage-femme, mais sans l’avoir appris par cœur.
Autre exemple : lorsque deux êtres font alliance, s’engagent à vivre ensemble, cheminent ensemble dans un même foyer, s’établissent alors des « lois » – on pourrait dire des habitudes, des manières de fonctionner – propres à ce foyer et qui ne sont inscrites dans aucun recueil officiel. Ces lois sont pourtant vitales.
C’est dans ce sens que le prophète Jérémie annonce un temps où les lois de Dieu ne seront plus extérieures, mais appropriées par le cœur même des membres du peuple d’Israël. Ce seront pourtant les mêmes lois, elles ne seront pas changées. Et ces lois de Dieu seront toujours écrites. Mais dire que ces lois sont gravées dans le cœur signifie qu’elles mobilisent notre intelligence, notre volonté. On n’y obéit plus parce qu’on est obligé, mais parce qu’elles nous sont vitales, tout comme les échanges d’oxygène et de gaz carbonique sont une loi de notre organisme.
Le livre du Deutéronome demandait déjà – et c’est la prière que tout Juif pieux récite à son lever et à son coucher :
« Écoute, Israël : Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta force. »
Et dans sa réponse au spécialiste des Écritures qui l’interrogeait sur le plus grand commandement, Jésus complètera cette loi par la suivante : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Sans ce commandement d’amour, tous les autres sont vides de sens. C’est là que se situe la clef de cette nouvelle alliance annoncée par Jérémie : tant que le don de soi n’est pas à la base de nos actions et de nos pensées, nous restons dans le superficiel. Cet amour/don de soi est la condition pour que cette loi ne soit pas subie, mais faite nôtre, comme une nécessité vitale.
Il est vrai que nous n’aimons pas bien les limites. Pourtant, tous les commandements de l’Ancien Testament peuvent être lus « dans une perspective de libération de l’humain » (Janique Perrin). Dans notre passage, ce Dieu qui peut sembler illimité et infini est aussi le Dieu qui rétablit la relation avec l’humain. Mais pas seulement : entre les humains eux-mêmes. En Jésus, dont nous écoutions tout à l’heure le récit de ses premières semaines, Dieu a voulu réconcilier l’humanité. C’est cela que chantaient le vieux Syméon et la prophétesse Anne dans l’évangile que nous avons entendu.
Aimer son prochain comme soi-même, qu’est-ce que c’est au juste ? C’est accueillir sa souffrance et ses limites comme étant aussi les miennes.
Il est vrai que le risque est grand de faire de la loi de Dieu – ainsi que de l’Évangile – un propos désincarné du quotidien, un discours « qui ne mange pas de pain », évitant ainsi de nous impliquer totalement avec ce que nous sommes. Pourquoi échapperions-nous au reproche que le prophète adresse à son peuple ? Je crois que nous avons régulièrement besoin de cette piqure de rappel – et là non plus on ne compte plus les rappels – car nous pouvons facilement glisser vers un légalisme confortable, le retour à la loi extérieure, celle qu’on observe sans y mettre le cœur. Qu’on nous l’impose ou que nous nous laissions l’imposer, la foi chrétienne peut tout à fait se changer en religion désincarnée et rituelle. Les vérités existentielles de l’Évangile risquent alors de se durcir en dogmes intellectuels, en formulations théologiques qu’on doit croire même si on ne les comprend pas ou surtout si on ne les comprend pas.
Ce serait alors le retour à une morale abstraite à laquelle on se conforme par obligation mais sans y mettre le moindre brin d’amour. L’engagement personnel disparu, on resterait ensemble, avec dans le meilleur des cas Dieu qui se rappelle à nous de temps à autre, comme dans ces couples qui perdurent « pour les enfants », mais on ne s’aimerait plus.
Cependant, le Seigneur fait dire à Jérémie : « (…) je pardonnerai leurs torts, je ne me souviendrai plus de leurs fautes ». Et cela change tout, frères et sœurs. Pour que nous puissions intérioriser la loi de Dieu, son pardon nous est, en effet, nécessaire. Le pardon de Dieu, chaque fois réaffirmé, vient sans cesse combler la distance que nous creusons entre lui et nous. Son pardon fait en sorte que ses commandements reviennent habiter en nous et animent notre existence.
Oui, le Seigneur agit en nous, pour nous conformer à son projet. À nous de rester disponible et de le laisser faire.
Amen
10h30 dimanche 5 janvier 2025
Culte avec cène
Que l’Espérance, la Paix et l’Amour
vous accompagnent chaque jour de l’année 2025 !