Culte du 7 avril 2024
Textes
Actes 4. 32-35
1 Jean 5. 1-6
Jean 20. 19-31
Prédication
Anne Kovalevsky
Ce texte démarre avec la peur et le chagrin des disciples.
Chagrin d’avoir perdu celui qu’ils aimaient, et peur de subir le même sort que lui.
Dans ce texte, il y a deux récits qui se suivent.
Le premier avec l’apparition de Jésus aux disciples, mais avec un absent : Thomas.
Le second récit, avec Jésus qui se montre à Thomas, et qui donne sans doute la plus belle des béatitudes : Heureux celui qui croit sans avoir vu.
Ce personnage de Thomas me touche, et c’est de lui dont j’aimerais vous parler.
Thomas est l’exemple même de l’incrédulité. L’archétype de l’homme moderne qui ne croit que ce qu’il voit. Ce qui donne une vision assez simpliste du monde. La science moderne, celle du monde microscopique, de la mécanique quantique nous montre bien que nous ne voyons qu’un infime partie de la réalité. La compréhension du monde que nous pouvons nous faire à partir de notre expérience quotidienne ne correspond pas à la réalité profonde du monde matériel.
Un peu de science donne l’impression de pouvoir savoir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, beaucoup de science montre que le monde est infiniment plus complexe que ce que nous pouvons imaginer, même dans son fonctionnement matériel.
Si l’on s’intéresse à la vie, et plus encore à l’humain, Les choses ne sont pas plus simples… Aucune science exacte n’est capable de dire ce qu’est la conscience, comment expliquer le fait qu’un amas de cellule soit capable de savoir qu’elles existent. Quant aux pouvoirs de cette âme, sa nature, ce qu’il en advient lors de la mort, personne ne le sait. Alors se cantonner au « voir » serait faire impasse sur la vie elle-même.
C’est si bien dit dans Le petit prince, « l’essentiel est invisible pour les yeux ». Et la foi concerne justement cet « invisible ». Le visible, c’est le matériel, ce qui s’achète et se vend, ce qui peut se compter, tout ce dont peut parler la physique. Mais il y a une part de l’humain qui est précisément au delà de tout ça, une part de méta-physique, de spirituel. Ainsi comme le dit Paul, « Nous regardons non pas aux choses visibles mais à celles qui sont invisibles, car les choses visibles sont pour un temps et les invisibles sont éternelles… » (1 Cor 4).
Ainsi, croire, c’est s’attacher à ce qui ne se voit pas. Sinon on n’est plus dans le domaine du sens ou de la foi, mais dans celui de la science.
Les deux ne s’opposent pas, mais se complètent.
Christ dit cette béatitude essentielle : « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean 20:29), la foi est au delà du visible, et pour comprendre le vrai sens de la résurrection, il nous faut aller au delà du visible. D’ailleurs, au moment de la résurrection, dans ce même chapitre 20 de l’évangile de Jean, verset 8, il y a ce disciple qui court vers le tombeau, il entre, et il est écrit : « il vit et il crut » Or que voit-il puisque le tombeau est vide ? Rien ! Il n’y a rien à voir, il ne voit « rien » et il croit.
Sans doute d’ailleurs faut-il non seulement voir au delà du visible, mais aussi comprendre que parfois il faut que le matériel laisse la place à l’invisible, qu’il se retire afin de ne pas masquer une réalité ténue et fragile.
Le spirituel a besoin de vide pour se révéler.
Et pour entendre Dieu, pour pouvoir le recevoir, il faut lui laisser une place.
Dieu ne se révèle pas dans le bruit, mais dans le silence, pas dans l’agitation ou le plein d’activités, mais dans le fait de ne rien faire parfois. Agir moins pour écouter, penser, réfléchir, recevoir.
Ce n’est peut être pas pour rien que les juifs ont considéré que le jour du Seigneur devait être un jour tel qu’il est dit : « le jour du sabbat, tu ne feras rien ! » (Deut 5:14).
La foi, ce n’est pas non plus se remplir de croyances, de doctrines, de valeurs morales, la foi a besoin pour être vivante, elle aussi, d’espace, de questionnements, d’interrogations, de recherches.
la foi ne peut pas être dans le plein de bonne conscience, mais plutôt s’épanouir sur le sentiment de son impuissance, de son péché pour inciter à se tourner vers un autre que soi. C’est le sens des Béatitudes (Matt. 5:1-13) : Jésus dit : « heureux ceux qui sont pauvres en esprit » et non pas « ceux qui ont de l’esprit à revendre ! », il dit « heureux ceux qui ont faim et soif de justice » et non pas « ceux qui sont pleins de justice ».
La foi n’est pas de tout savoir et de tout comprendre, mais peut-être essentiellement de savoir qu’on ne sait pas tout. Accepter de ne pas tout comprendre, mais de choisir néanmoins de fonder sa vie sur ce que l’on pressent sans l’avoir en plénitude. Il y a une part d’audace, de courage dans la foi, c’est un engagement, un risque assumé de sortir de sa sécurité, de son savoir, de ses certitudes pour aller de l’avant vers un inconnu, comme Abraham qui entend ce « Va-t’en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai » ( Gen. 12:1).
La foi peut se fonder sur une certitude, mais sur la confiance, confiance en un Dieu qui nous guide et nous conduit.
Ainsi donc il ne faudrait pas tout prévoir, planifier, tout verrouiller pour pouvoir vivre et avancer, il faudrait laisser de l’espace pour que puisse souffler l’esprit, pour que du nouveau puisse survenir, de l’imprévu et de l’inconnaissable se révéler. Voilà un beau défi pour nous qui voulons être dans la maitrise de notre vie…
Vivre c’est inventer l’avenir, se rendre disponible à une réalité qui par définition n’existe pas encore et est invisible.
C’est d’ailleurs ce que l’on entend aussi dans la conclusion du chapitre (v.30) : « Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d’autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre », là Jean explique qu’il y a encore beaucoup de choses qui ne sont pas dans l’Evangile : il ne dit pas tout, il y a des manques. Sans doute parce qu’il reste à construire sa propre histoire. L’évangile ne veut pas tout bloquer, tout maîtriser, dire tout ce qu’il faut croire, faire, espérer, mais il est lui-même ouverture, lacunes, il laisse une certaine liberté, et c’est dans ces espaces que pourra s’épanouir la foi du croyant. Heureux celui qui n’en reste pas à l’Ecriture seule, mais qui y sait ajouter sa propre vie .
Et Thomas précisément ne veut pas se contenter du discours des Apôtres, ce n’est pas qu’il ne veuille pas croire en Christ, mais il ne veut pas croire au discours qu’on lui tient sans avoir à s’en référer à sa propre expérience. Il refuse de croire à partir seulement du témoignage des autres. Thomas est peut être le premier des anticléricaux, il prend de la distance par rapport au discours des disciples pour dire qu’il veut privilégier son expérience personnelle.
En creux de sa réclamation de voir le corps du ressuscité, c’est peut être le besoin d’être touché dans sa vie à lui qui est exprimé.
Mais il n’est nulle part indiqué si il répond à l’invitation du Christ de le toucher.
C’est peut être un mystique qui préfère fonder sa foi sur ce qu’il expérimente plutôt que sur la doctrine qu’on veut lui enseigner. Il témoigne du fait qu’être chrétien, ce n’est pas juste adhérer à un discours, croire dans la théologie de l’Eglise ou dans le témoignage des autres croyants, mais faire sa propre expérience de la rencontre avec Jésus Christ. Le Christ déborde de tout ce qu’on peut dire de lui, et même du texte de l’Evangile.
Le Christ ressuscité se découvre dans la rencontre personnelle. Et si on comprenait le verbe « voir » au delà de la vision oculaire, mais « voir » dans le sens de percevoir, de comprendre, d’expérimenter, comme on dirait communément aujourd’hui « je vois » pour dire « je comprends ».
Thomas nous invite à la rencontre avec ce Christ vivant qui nous apprend à ressusciter .
J’emprunte les mots de Charles Singer pour dire cela.
Oui Christ nous apprend à ressusciter sur les chemins quotidiens de notre vie ou il nous précède et nous attend,
Jésus nous apprend à ressusciter.
Car la résurrection n’est pas un état final qui adviendrait brutalement à notre mort : C’est une éclosion, c’est une avancée.
Jésus nous apprend à ressusciter car on apprend à ressusciter
Comme on apprend à faire ses premiers pas et à se tenir debout.
A la suite de Jésus, vivre, c’est apprendre à ressusciter
C’est apprendre à vivre en homme et en femme,
Chaque jour, de façon humaine, tout simplement,
C’est apprendre à donner de soi , c’est apprendre à croire que Dieu se consacre au bonheur du monde,
C’est apprendre à espérer que la vie a un sens et que la mort est un passage.
C’est apprendre à aimer à la façon de Dieu ,
A écouter l’Esprit de Dieu en nous,
C’est apprendre à s’arracher au mal,
A partager avec chacun ce qui est nécessaire à la vie,
A refuser des situations indignes de l’être humain, c’est lutter, ne pas se taire quand la qualité de la vie et de l’amour sont en cause.
C’est apprendre à vivre selon l’évangile.
Parce que c’est le chemin tracé par Jésus et sur lequel il nous précède afin de nous introduire dans la Résurrection.
Le Christ ressuscité est donc une réalité, une rencontre qui se fait dans la foi, et jamais de la même manière. Le Christ se révèle différemment à chacun selon sa personnalité. Cela est de l’ordre du personnel, de l’intime.
Et ce que dit Jésus à Thomas: « mets ta main etc. », on peut le comprendre comme on dirait maintenant : « mets des pas dans mes pas », suis moi, agis comme moi.
Mettre sa main dans la main du Christ comme un enfant qui apprend le geste de l’écriture dans la main de son maître. Suivre l’invitation du Christ et agir à sa suite, comme lui.
C’est là l’expérience fondamentale du croyant, la découverte de ce qu’est le Christ ressuscité pour lui. Cette rencontre originelle qui fera de Dieu notre Dieu, est aussi portée par le ralliement à une histoire infiniment plus grande que la notre et à laquelle nous sommes invités à prendre part. C’est une bonne nouvelle, car cet élément communautaire stabilise notre foi et lui épargne d’être menacée dans sa survie par les aléas de nos sentiments personnels… Bienheureux sommes-nous quand nous savons aussi croire sur parole nos frères.
Et je terminerai cette prédication avec un mot de mon petit fils :
A quoi ça sert d’aimer ?
Ça sert à vivre…
A quoi ça sert de croire ?
Ça donne un sens à la vie.
Amen.
Prière d’Intercession
Anne Richalot
Oh Dieu, Nous ne pouvons pas vraiment te prier pour que cesse les guerres, car nous savons que tu as fait le monde de telle façon que l’Homme doit trouver le chemin de la paix, tant en lui-même qu’avec son voisin.
Oh Dieu, nous ne pouvons pas vraiment te prier pour que cesse la famine, car tu nous as donné bien assez de ressources pour nourrir le monde entier, si seulement nous les utilisons avec sagesse.
Oh Dieu, nous ne pouvons pas vraiment te prier d’éradiquer l’injustice car tu nous as donné des yeux capables de voir le bien en chaque créature, si seulement nous les utilisons avec sagesse.
Nous ne pouvons pas vraiment te prier, Oh Dieu de faire cesser le désespoir car tu nous as donné le pouvoir de transformer les taudis et de semer l’espérance, si seulement nous l’utilisons avec sagesse.
Nous ne pouvons pas vraiment te prier Oh Dieu de faire cesser les maladies, car tu nous a déjà donné une intelligence capable d’imaginer des traitements et de créer les médicaments si seulement nous l’utilisons avec sagesse.
C’est pourquoi, Oh Dieu, nous te prions plutôt de nous donner Force, Détermination et courage, D’agir, de ne pas simplement prier, et être plutôt que simplement espérer.
Et ensemble, nous te disons Notre Père….
B o n n e s e m a i n e !