Culte du 7 janvier 2024
Textes du jour
Esaïe 60. 1-6
Ephesiens 3. 2-6
Matthieu 2. 1-12
5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l’entremise du prophète :
car de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple.
Prédication
Alain Quillet
Ce texte de Matthieu sert de témoignage pour justifier une fête chrétienne, celle que l’on nomme souvent « les Rois » sur les calendriers. C’est l’Epiphanie, c’est-à-dire, une manifestation directe de Dieu auprès des hommes. Dans le texte d’aujourd’hui, cette manifestation prend la forme de l’étoile, ou une comète, qui mène les Mages vers Bethléem. Ces mages, qui deviendront au IVe siècle des Rois-Mages, avec les noms sous lesquels nous les connaissons, n’étaient pas exceptionnels dans la région et nous sont connus par d’autres sources que la Bible. Originaires de Perse, ils faisaient partie d’un clergé qui était voué au culte de Zoroastre, un monothéisme centré sur Ahoura Mazda. Ils constituaient une caste qui se perpétuait par voie héréditaire, uniquement masculine. Les mages de Perse considéraient ceux de Babylone, surtout versés dans l’astrologie, comme des imposteurs, ce qui devait les rendre sympathiques auprès des juifs. Ils étaient donc connus et écoutés en Palestine, comme le texte nous l’indique.
Cette fête du premier dimanche de janvier a célébré la naissance du Christ pendant plus de trois siècles. Les Rois l’ont remplacé.
Petit problème de logique : nous disons tous l’Epiphanie mais il y en a trois autres dans l’Ecriture : le baptême de Jésus, avec l’apparition de la colombe, les noces de Cana, avec l’eau changée en vin et, la toute première, le buisson ardent, lors du sacrifice d’Isaac.
Les églises orientales ont conservé les trois épiphanies du NT; l’église catholique a conservé celle d’aujourd’hui mais a consacré, une année sur trois, le second dimanche de janvier au baptême du Seigneur et le troisième aux noces de Cana.
Ces quelques rappels des traditions étant faits, je vous propose d’en venir maintenant à la méditation.
Notre contexte culturel, historique et politique est totalement différent de celui de l’époque à laquelle a été rédigé l’évangile de Matthieu. En ce temps là il est vraisemblable que l’on ne s’arrêtait pas comme nous le faisons aujourd’hui, à la forme du récit, à sa signification, à son contenu. Peu importait que l’auteur racontât une histoire, une légende. On ne rejetait pas le sens de la légende avec son contenu sous le prétexte qu’il s’agissait d’une fiction.
Aujourd’hui si une histoire n’est pas vérifiable, authentifiée, nous avons tendance à ne pas lui accorder de crédit. Pourtant nous allons au cinéma pour nous laisser raconter une belle histoire qui nous émeut, nous trouble, peut-être. Laissons-nous donc prendre par l’histoire des mages pour essayer de comprendre ce qu’elle signifiait pour les chrétiens de l’Église primitive et pour essayer de voir ce qu’elle peut nous dire aujourd’hui au XXIe siècle.
Pour les chrétiens de l’Église primitive le message était très troublant, très novateur, très dérangeant. Il nous présente un humain, Jésus, qui va manifester la présence même de Dieu. Par ailleurs Matthieu révèle que le pouvoir politique tout puissant et dominateur du roi en place allait à sa perte.
La preuve ? Hérode, figure d’un pouvoir exécrable haï par tous, était en fait terrorisé à l’idée qu’un pauvre enfant allait venir au monde pour devenir porteur d’un bouleversement inattendu : l’annonce de la bonne nouvelle de l’avènement du Royaume de Dieu.
La preuve en était qu’une étoile (ou une comète) avait guidé des mages venus d’orient pour leur montrer la voie du salut du monde. Les étoiles pour les Grecs étaient des corps divins. Pour les Juifs, pour les rabbins, les étoiles sont des agents et des témoins des desseins et de la gloire de Dieu. L’évangéliste nous dit encore encore que ce n’était pas les pharisiens ou les chefs religieux (les grands prêtres et les scribes) qui avaient été inspirés par Dieu pour en faire l’annonce, mais des savants étrangers venus d’orient. La bonne nouvelle venait en quelque sorte du comportement et de la bouche d’étrangers. Les voies du Seigneurs sont vraiment impénétrables.
Toujours est-il que Matthieu affirme ici que Dieu s’est manifesté sous une apparence peu conforme à l’idée que l’on pouvait se faire de la toute puissance divine. Il se manifestait sous l’apparence d’un bébé né dans une pauvre famille juive. De plus, cet enfant ne naissait pas dans un centre urbain important, comme Jérusalem par ex., mais au milieu de nulle part, dans une bourgade que peu de monde connaissait.
Pourtant, Moïse lui-même n’avait-il pas été recueilli par la fille du pharaon ? Jésus, lui, était né sans histoire et sans gloire.
En quoi donc ce récit nous concerne t-il aujourd’hui ?
Nous ne sommes pas gouvernés par un roi brutal comme Hérode. Toutefois nous avons bien des raisons de nous inquiéter : L’avenir pour nos enfants n’a pas les mêmes perspectives qu’il avait pour nous quand nous avions leur âge. A la fin des années 70, après les trente glorieuses, une insécurité économique s’est installée. Nous avons découvert que même sans guerre, nous n’étions pas protégés par l’État dans lequel nous avions placé toute notre confiance. Des scandales de grande ampleur comme celui du sang contaminé, des vaches folles, puis la multiplication des nouvelles guerres, les catastrophes industrielles majeures de Bhopâl, de Tchernobyl, ont précédé la pandémie de 2020 et les nouvelles de plus en plus alarmantes sur l ‘évolution du climat. La précarité a augmenté, la pauvreté a gagné chaque jour du terrain dans les pays riches alors qu’elle a très peu reculé dans les pays pauvres, une bonne partie de nos étudiants a bien du mal à vivre dignement, les jeunes dans les cités sont devenus dangereux ne respectent plus nos institutions, notamment la police et la justice. Nous avons appris que le pétrole pouvait manquer ou continuer de polluer la Terre, comme bien d’autres ressources terrestres. Bref ! Nous sommes inquiets pour ce qui concerne l’avenir qui attend nos enfants et surtout nos petits enfants. Ailleurs que chez nous, nous le savons, c’est pire. Un milliard d’êtres humains vivent dans une extrême pauvreté sans espoir connu d’en sortir. Et l’injustice flagrante domine. Bref ! Nous aussi, à notre façon, nous tentons sans trop y croire, d’espérer un monde meilleur. Un monde dans lequel celui qui vit correctement, sans plus et sans exploiter personne , ne serait pas culpabilisé.
Alors quand nous entendons cette histoire des mages, nous écoutons un récit qui nous invite à espérer malgré tout, comme les rois mages ont espéré eux-mêmes. . C’est parce qu’ils n’avaient pas cédé au pessimisme ambiant qu’ils étaient restés assez vigilants pour remarquer qu’un corps céleste particulier brillait soudain dans le ciel. Ils n’étaient pas restés passifs. Ils s’étaient mis en marche, en quête d’un salut possible. D’un salut qui viendrait d’ailleurs, puisque rien ne semblait venir d’ici bas.
Nous vivons une époque qui a décidé de plus ou moins ignorer Dieu. Nous sommes dans notre monde occidental convaincus qu’il n’y a rien à en attendre et que l’homme est seul maître de son destin. On nous répète sans cesse que tout individu est autonome, responsable de sa vie, de sa conduite. Si nous croisons quelqu’un de malheureux, frappé par la misère, nous entendons souvent dire que c’est de sa faute. Que s’il en est là c’est qu’il l’a bien voulu puisque a priori il était libre. Certains économiste et hommes politiques, particulièrement aux USA, vont jusqu’à dire qu’il ne faut surtout pas l’aider car il faut obéir à la loi de la sélection naturelle et à une prétendue volonté de Dieu.
ls invoquent à ce sujet la loi de Darwin parlant de la survie de l’espèce. Struggle for life, lutter pour vivre. C’est un monde qui n’est pas favorable à la solidarité et dont le modèle, l’idéal est celui de la seule loi à respecter aujourd’hui : la loi du marché ou, pour être plus précis, la loi de l’argent, de l’argent-roi.
Alors, curieusement, dans ce monde froid et sans âme, le souvenir de ces mages nous parle. En effet, malgré les évidences, ils se lancent à la quête d’un monde nouveau et se mettent en route sans bien savoir où cette étoile va les conduire. Les nouveaux Hérode d’aujourd’hui n’ont toujours pas perdu leurs forces de nuisance que ce soit à Gaza en Palestine, en Irak, en Ukraine ou ailleurs encore.
On peut dire que Matthieu ne fuit pas l’engagement citoyen. En effet les mages s’engagentpolitiquement puisqu’ils répondent librement semble-t-il, à l’invitation du roi Hérode qui voulait les consulter au sujet de ce roi qui devait venir. Ils s’engagent bien davantage quand ils décident de ne pas retourner au palais.
De même, aujourd’hui, les chrétiens sont plus ou moins officiellement sollicités par le pouvoir. Bien que la société se soit « débarrassée » de Dieu, elle a malgré tout besoin de repères, d’un rappel des valeurs sans lesquelles une société ne peut vivre.
Ils sont invités à siéger dans des instances officielles comme aujourd’hui l’Église est invitée à siéger au Comité National d’Éthique pour donner son avis sur des problèmes de société comme le PACS, la bioéthique, le mariage pour tous ou la fin de vie…
Les mages restent lucides et savent se dérober quand Hérode veut les utiliser comme « indicateurs » pour savoir où trouver Jésus. Ainsi les Écritures n’opposent pas vie privée du croyant et vie publique du citoyen.
Les chrétiens d’aujourd’hui doivent pouvoir se conduire de la même manière.
Le projet de Dieu, révélé par son fils, ne concerne pas les chrétiens seuls mais l’humanité tout entière. L’étoile montre à tous la route à suivre afin de participer à l’avènement d’un monde nouveau qui concerne tous les hommes car elle est l’annonce du Royaume. Dieu nous a manifesté sa présence dans la personne d’un petit enfant pauvre.
Pour Luther, vie civique et vie politique du chrétien relèvent, autant que sa vie privée et spirituelle, de la seule seigneurie de Dieu et des exigences de l’Evangile.
Pour Calvin tout comme pour Luther- il est clair que le chrétien peut et doit participer à la mission religieuse de l’État.
Une autre piste est suggérée par certains théologiens : Pourquoi y a t-il des étoiles ? Les Mages ne sont pas des rois mais des astrologues (A l’époque, il n’y a pas d’astronomes). Ils ont longtemps cherchent à découvrir l’énigme de Dieu. D’où vient l’univers ? Qui a créé, le ciel ? Les étoiles ? Qui a créé le big-bang ? Même si nous ne sommes pas des scientifiques, au-delà des conditions initiales, largement controversées, de la Création, le premier miracle qui nous étonne, c’est celui de l’existence même de l’univers. C’est comme si l’univers et ses merveilles constituaient une immense horloge bien faite par un maître horloger. Vous savez que dans certains milieux prétendument laïques voire anticléricaux, on se réfère tranquillement au Grand Architecte de l’Univers…
Les Mages, au fond, n’étaient pas différents de nous et, guidés par le Dieu des étoiles ils se retrouvent à Jérusalem. Ils demandent aux prêtres du peuple juif de leur lire ce qu’il y a dans leurs Ecritures sacrées
Souvent en effet, quand nous sommes sans voix devant les mystères de la vie, devant l’infini, alors, comme les Mages, nous ouvrons le livre qui nous parle de Dieu. Et nous y découvrons, comme eux, un Dieu humain sous la forme d’un enfant. Le Dieu de la Bible nous parle de nos angoisses, de nos espérances, de notre désir d’être meilleurs.
Le Dieu de la Bible disait déjà aux Mages : « Allez à Bethléem, vous y trouverez le secret que vous cherchez. Vous y trouverez Marie, Joseph, un enfant. Le vrai visage de Dieu »
Ce Dieu que vous cherchez vous le trouverez d’abord dans la voix qui parle au cœur. Au cœur de la misère et de l’espérance des hommes. Alors, comme le préconisait Luther, « allez à Bethléem », vous trouverez Bethléem à Sarcelles, à Aubervilliers, à Vénissieux, à côté de chez vous ».
Le Dieu que nous découvrons dans les pages de la Bible est un Dieu qui nous parle de notre devoir, de notre espérance. Il nous parle aussi de la fragilité de l’enfant de Bethléem. Dieu c’est pour chacun d’entre nous, un appel à donner, à aimer, sans rechercher la gloire ou la fortune, à servir les autres de façon désintéressée. Dans un monde où les exigences économiques sont de plus en plus fortes, où la corruption devient la loi, la valeur de la parole enseignée par l’évangile est celle de la gé né ro si té . Pour illustrer ce propos en cette période de vœux de bonne année, comme l’avait rappelé jadis Ivan Levaï sur France Inter (c’est comme par hasard un protestant), « s’il est possible de souhaiter à un pauvre d’être moins pauvre, peut-on souhaiter à un riche d’être plus riche ? » C’est pourtant le but de sa vie. Que lui souhaiter de mieux ?
Eh bien nous pouvons lui rappeler que, quoi qu’il fasse, il était poussière, il retournera poussière, sans la plus petite parcelle de gloire. Il peut donc sans dommage aller lui aussi, au moins en pensée, jusqu’à Bethléem, c ‘est à côté de chez lui, il peut reconsidérer sa vie, se souvenir d’où il vient, reconsidérer ses certitudes, mettre en pratique sans plus tarder le message de l’Evangile, il tient aujourd’hui en un seul mot, c’est un verbe d’action : partager.
Bonne année à tous.
A Dieu seul soit la gloire !
Amen
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Rappel !
Culte
10h30 21 février
suivi à
12h de l’École biblique
Bonne semaine !