Culte du 17 mars 2024
Textes
Jérémie 31.31-34
Hébreux 5.7-9
Jean 12.20-33
Jésus parle de sa mort
Prédication
Pasteure Françoise Sternberger
Quand le cœur n’y est pas...
« Celui qui veut me servir qu’il me suive… »
Les premiers à suivre Jésus ont été les disciples. Les douze qu’il a appelés lui même à le suivre…
Les disciples par définition sont ceux qui suivent l’ enseignement d’un maître.
Le plus souvent les disciples sont assis à écouter. C’est la posture classique du disciple .
Pensons à Marie la sœur de Marthe qui a osé rester assise aux pieds de Jésus, avide d’écouter ses paroles. Quand sa sœur s’agitait. Marie a choisi la bonne part,dit Jésus c’est la part du disciple qu’a pris Marie, et, qui ne lui sera pas enlevée..
Après l’enseignement, justement, vient le service.
Celui qui veut me servir qu’il me suive…
Jésus est à l’heure de sa passion, il appelle maintenant à sa suite des serviteurs, des aides, on pourrait traduire littéralement des diacres, les serviteurs des tables.
Il appelle à la ronde, tout un chacun. Chacun, chacune de nous.Qui veut bien..
Celui qui veut me servir, m’aider., m’aider moi... dit Jésus, qu’il me suive…
me suivre ou plutôt m’accompagner, le terme grec employé est celui de l’acolyte, le compagnon des bons et mauvais jours .
Et là où moi je suis, ajoute Jésus, là où moi je suis, aussi sera mon serviteur.Si quelqu’un veut me servir, c’est le Père qui l’honorera.
« Là ou je suis tu seras. »
Ce sont les mots de l’ alliance
Suivre le Christ, et Ne plus être tout seul au monde.Ni dans sa vie
« Là où tu iras j’irai, la ou tu iras j’irai, ton peule sera mon peuple, ton dieu sera mon Dieu. »
En écho, me vient ce verset du livre biblique de Ruth, l’étrangère, qui a un croisement de sa vie, choisit de suivre sa belle mère Noemie et de faire alliance avec son Dieu. Dieu l’honorera par la vie donnée à travers elle à une descendance pour le peuple de Dieu.
Ruth n’est plus seule au monde.Ni dans sa vie
Le prophète Jérémie déjà faisait l’apologie de cette valeur de l’alliance.
Malgré les aléas et les nombreux échecs de l’alliance, si souvent rompue au cours de l’histoire des hommes et en particulier du peuple hébreu, de Judée, de Samarie, Dieu déclare reprendre, ré-ouvrir le chemin de l’alliance , avec une alliance nouvelle, autrement.
Quand la menace de la guerre, de l’exil, de l’effondrement, s’était rapprochée du royaume du nord, la Samarie, puis du sud Juda en 587, les dirigeants ont choisi l’alliance militaire, l’alliance avec les puissances, avec la puissance voisine l’Egypte, et surtout avec d’autres dieux, au grand dam du prophète Jérémie.
C’est comme si le cœur n’y était pas,.
N’était plus à l’alliance originelle avec le Dieu libérateur de tout esclavage, Dieu de la promesse.
Et pourtant , encore une fois, c’est l’alliance qui reste le plus sûr chemin du salut, du retour, de la restauration du peuple divisé, exilé, anéanti.
Encore une fois Dieu fait avec l’humain et son infidélité. Ses manquements.Il offre son pardon.
Il n’y aura pas de nouveau déluge, mais une alliance nouvelle.
La loi est déposée au fond, à l’intérieur de l’homme, dans son être, son intériorité, dans son cœur siège de sa volonté. Et ainsi, intériorisée. L’alliance nouvelle donne à l’homme la capacité d’être autonome. Et libre. Libre de penser, choisir en conscience, éclairée par cette Parole qu’il a fait sienne.
Le grand rêve du siècle dernier a été celui de l’indépendance. Pour être libre, être une femme indépendante. Un état indépendant, un travailleur indépendant .
Cette valeur si importante d’indépendance, si légitime, s’est muée en solitude, individualisme, vulnérabilité. Violence.
On en vient alors à repenser aujourd’hui la réalité et la nécessité de reconnaître notre dépendance. La valeur légitimée par de nombreux auteurs auj de la philosophie, de l’écologie profonde, des psychologues est celle de l’inter dépendance. l’interdépendance comme capacité de renouer avec le sens de la vie et des autres. Car nous sommes des êtres de liens.
Christophe André mais bien d’autres aussi constate que plus les liens d’inter dépendances sont étroits, assumés, cultivés, dans une communauté humaine, ( on pourrait dire une paroisse), plus cette dernière est riche, et susceptible de se développer, de durer. Et plus ses membres sont susceptibles d’être heureux.
Tout seul on va vite, mais ensemble on va plus loin, dit un célèbre proverbe africain.
Hannah Arendt, parle elle de pluralité, la pluralité qui est la possibilité pour chacun de parler et d’agir en se rapportant aux autres, et que de l’expression de cette pluralité sorte du nouveau.
Les arbres nous enseignent cette valeur de l’interdépendance à notre grande surprise, ils sont les pionniers de ce maillage de liens solidaires, indispensables à la vie, à la survie.
Un jeune que nous hébergions, qui a été enfant soldat, quand on l’interrogeait sur la pauvreté répondait à un groupe de jeunes : la pauvreté c’est quand on ne peut plus faire confiance à personne..
Interdépendance, ensemble, pluralité, solidarité.
Est-ce qu’il ne s’agit pas là d’une sorte de retrouvailles avec la notion biblique d’alliance ?
Suivre le Christ n’est surtout pas manquer d’indépendance ou d’autonomie, être un suiveur, un follower, mais c’est faire personnellement le libre choix de se relier à plus que soi pour donner à sa vie sa largeur, hauteur, profondeur, grandeur comme l’écrivait l’apôtre Paul ?
Car c’est de liens et de sens que nous avons aujourd’hui le plus besoin.
De liens qui libèrent, de liens qui font vivre. D’ une alliance en fin de compte.
Inscrite dans nos tripes, nos intelligences, nos âmes.
Nous ne sommes pas seuls au monde.Ni dans nos vies.
Le Dieu de l’alliance tient parole. Il nous Tend encore ce matin sa parole. « Qui veut me servir, qu’il me suive et là où je serai, il sera avec moi.
Poème palestinien
Quand tu prépares ton petit déjeuner, pense aux autres.
(N’oublie pas la graine pour la colombe.)
Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres.
(N’oublie pas ceux qui réclament la paix.)
Quand tu règles ta facture d’eau, pense aux autres.
(Ceux qui s’abreuvent des nuages.)
Quand tu rentres à la maison, ta maison, pense aux autres.
(N’oublie pas les peuples nomades.)
Quand tu comptes les étoiles pour dormir, pense aux autres.
(A ceux qui n’ont nulle part où rêver.)
Quand tu t’exprimes par métaphore, pense aux autres.
(Ceux qui n’ont pas le droit à la parole.)
Quand tu penses aux autres au loin, pense à toi.
(Dis-toi: si seulement je pouvais être une bougie dans le noir !)
Mahmoud Darwich, poète palestinien