Qu’est-ce qui fait Autorité dans l’Eglise ?
La question de ce qui fait Autorité, et des structures d’autorité au sein de l’Eglise Réformée de France.
Dès le XVIème siècle, cette question a été posée par les Réformateurs : Quelle est la source de l’Autorité ?
Encore aujourd’hui, les Eglises issues de la Réforme continuent à se poser cette question, mais en la déclinant d’autres façons :
Qui peut parler de Dieu ?
Qui peut parler en son Nom ?
Qui peut nous mener à Lui ?
Qui conduit la Communauté des croyants ? Qui… ou plutôt quoi… ?
Tout d’abord, rappelons que l’Eglise Réformée de France, avec toutes les Eglises chrétiennes :
– Confesse la Foi en un seul Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint, que résument le Symbole des Apôtres et celui de Nicée-Constantinople ;
– Reconnaît Jésus-Christ comme son Seigneur et Sauveur, crucifié et ressuscité pour notre Salut ;
– Administre le Baptême et la Cène, les deux Sacrements institués par Jésus-Christ ;
– Met au centre de sa foi et de sa vie cette parole de l’Evangile de Jean (Jean 3, 16) : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ».
Mais, avec les autres Eglises issues de la Réforme, se reconnaît aussi dans les six affirmations suivantes :
.1. « La Grâce seule » (sola gracia).
L’homme n’a pas à mériter son Salut qui est donné par Dieu, par Grâce, sans condition. Cet Amour gratuit de Dieu rend l’homme apte, à son tour, à aimer ses semblables, gratuitement.
.2. « La Foi seule » (sola fide).
Seule la Foi en Jésus-Christ sauve. Elle est la réponse de l’homme à l’Appel de Dieu, une rencontre personnelle, une relation de confiance.
.3. « L’Ecriture seule » (sola scriptura).
Seule la Bible a autorité en matière de Foi. Elle est « Parole de Dieu » à découvrir et à vivre au quotidien, avec l’aide de l’Esprit-Saint.
.4. « A Dieu seul la Gloire ».
En dehors de Dieu, rien ni personne n’est sacré ou divin. D’où une vigilance à avoir envers toute idéologie prétendant à un caractère absolu.
.5. « Le Sacerdoce universel ».
Chacun à une place identique au sein de l’Eglise « corps du Christ ».
.6. « Se réformer sans cesse ».
Les Eglises sont des réalités humaines, de fait faillibles, qui doivent régulièrement se réformer/re-former à la source de la « Foi évangélique ».
Ce qui fait autorité dans l’Eglise Réformée de France :
.1. L’autorité souveraine de la Bible en matière de Foi.
La formule bien connue « chaque protestant est un pape une Bible à la main » indique bien le désir permanent du Protestantisme d’affirmer l’autorité première de la Bible.Cette autorité s’exerce sur chaque chrétien, sur les communautés et sur l’ensemble de l’Eglise, car c’est par elle seule que nous connaissons Dieu et le Christ.
En face de la Bible, il ne peut donc exister d’autorité que seconde, comme :
– l’intelligence des individus ou les révélations particulières,
– les traditions ou doctrines de l’Eglise ou les personnes y ayant une place marquante,
– les lois naturelles ou civiles et les détenteurs du pouvoir politique.
.2. La relativisation des doctrines et de la tradition de l’Eglise.
Pour les Eglises protestantes les formes doctrinales ne peuvent être que seconde et partielles. Dans la fidélité à l’esprit de la Réforme, elles affirment qu’il n’y a :
– pas de doctrine qui ne soit à confronter en permanence avec les textes bibliques,
– pas de définitions valables une fois pour toutes. L’Eglise ne peut revendiquer aucune infaillibilité, même en ce qui concerne des textes rédigés et admis depuis longtemps.
.3. L’autorité dans l’Eglise.
Les Eglises issues de la Réforme n’admettent pas l’autorité d’un homme seul (comme le Pape) sur l’ensemble de l’Eglise. De plus, dans ces Eglises, l’autorité n’est généralement pas exercée par un homme seul, mais par des Conseils « d’Anciens » élus par les Assemblées paroissiales locales, mais aussi par les Synodes régionaux ou nationaux.
Il n’y a pas de responsabilité ou d’acte (fut-il sacramentel) qui puisse être réservé à telle ou telle catégorie de chrétien (prêtre par exemple). Le pasteur, qui est d’abord un théologien, n’a pas un rôle fondamentalement différent des autres membres de l’Eglise.
Le protestantisme ne pense pas trouver dans le Nouveau Testament un modèle immuable pour l’organisation de l’Eglise. Il insiste sur l’aspect humain des institutions ecclésiastiques et n’en fait que des moyens pour une meilleure mission de l’Evangile et pour la manifestation d’une solidarité entre les communautés locales qui sont les cellules de bases de l’Eglise. On comprend alors pourquoi le protestantisme se soucie peu de la forme juridique de la transmission de l’autorité d’une génération à l’autre. On comprend aussi pourquoi les protestants manquent d’ardeur pour l’unification des institutions, ce qui n’est pas contradictoire, cherchant dans un respect mutuel un approfondissement de la communion de foi et d’action.
Le protestant a une grande méfiance vis-à-vis de toute prise de position ecclésiastique qui dicterait au fidèle ce qu’il doit croire ou comment il doit vivre. L’Eglise reste l’Eglise de tous et chaque chrétien doit choisir et prendre ses responsabilités.
Enfin il existe nettement une tendance protestante (pas partout suivie d’effet) à maintenir une stricte indépendance réciproque entre l’Eglise et l’Autorité civile, sauf si la liberté de conscience ou la dignité humaine est en jeu.
.4. La Discipline de l’E.R.F : base de l’organisation de l’Eglise.
Préambule de la Discipline de l’Eglise Réformée de France
Comptant sur Dieu pour la conduire dans la vérité et dans la charité sur le chemin de l’Unité visible de l’Eglise, l’Eglise Réformée de France appartient au groupe d’Eglises qui sont gouvernées d’après les principes du régime presbytérien synodal.
Le Seigneur Jésus-Christ, de qui procèdent toutes les charges et tous les pouvoirs, est le seul chef de l’Eglise, dont tous les ministères doivent être exercés en son Nom, sous la direction de sa Parole et de son Esprit, et en soumission à son autorité souveraine.
La réalité visible de l’Eglise apparaît donc dans les assemblées de fidèles où la Parole de Dieu est droitement annoncée et reçue, les sacrements du Baptême et de la Sainte Cène correctement administrés et reçus. Elle apparaît de même dans l’union de ces assemblées qui sont de véritables Eglises lorsqu’elles confessent la foi de l’Eglise universelle.
Les assemblées locales constituées en Eglises sont gouvernées elles-mêmes par l’intermédiaire des conseils presbytéraux nommés par leurs membres et des synodes formés de leurs délégués.
Egaux entre eux, les conseils presbytéraux sont subordonnés aux synodes régionaux et ceux-ci au synode national.
De même, les ministres sont égaux entre eux, et sont soumis à l’autorité des synodes et à celles des corps ecclésiastiques auxquels les synodes peuvent déléguer temporairement les pouvoirs qu’ils jugent nécessaire.
(Texte adopté par le Synode National de Paris-Jubilé en 1959)
.5. La structure d’autorité de l’E.R.F : le Régime « presbytérien synodal ».
Dès la première phrase de son Préambule, la Discipline affirme donc que l’Eglise Réformée de France appartient au groupe d’Eglise qui sont gouvernées d’après les principes du régime « presbytérien synodal ».
Ce régime n’est pas :
– Un système hiérarchique, ou épiscopalien (comme dans l’Eglise Catholique romaine ou Anglicane, voire Luthérienne) où l’autorité vient d’en haut (des évêques) et se trouve déléguée des échelons supérieurs vers la base. L’Eglise manifeste et assure alors son unité par cette structure hiérarchique qui se veut fidèle à La succession apostolique.
– Un système congrégationaliste où chaque assemblée locale (la Congrégation) est l’Eglise, qui s’organise et se gouverne librement, et noue des relations fraternelles avec les autres assemblées. Une structure fédérative peut exister pour assurer des tâches communes, mais elle n’a pas d’autorité sur les Eglises ; elle peut tout au plus formuler des recom-mandations (exemples : Les Eglises baptistes, évangéliques, pentecôtistes…).
Par contre, le système presbytérien synodal, en vigueur dans l’Eglise Réformée de France, insiste lui, à la fois sur l’Eglise locale, sa responsabilité, sa capacité à se gouverner elle-même et sur le lien qui unit les Eglises locales entre elles, assure leur solidarité et rend visible aussi la réalité de l’Eglise sur le plan régional, national, voire international.
– Concrètement, cela implique que :
– le mot « Eglise » s’applique d’abord à l’Assemblée locale, là où la Parole de Dieu est droitement annoncée et reçue, les sacrements correctement administrés et reçus ;
– l’Eglise locale est dirigée par un Conseil Presbytéral (= « Conseil des Anciens »), élu par l’Assemblée des membres de l’Eglise qui délègue l’un de ses membres, en plus du pasteur, à une réunion régionale appelée Synode (en grec = « cheminer ensemble ») ;
– les synodes régionaux choisissent à leur tour des délégués au Synode National.
L’Eglise locale est importante, mais elle ne peut rester isolée : la réalité visible de l’Eglise apparaissant aussi dans l’Union des Eglises locales, et dans les Assemblées (Synodes) qui expriment et organisent cette Union. Les Eglises locales ne sont pas seulement paroisses de l’E.R.F qui n’est pas seulement l’Union des Eglises locales.
Le Synode National, qui comprend des délégués de toutes les Régions (Il y en a 8) et des représentants des Institutions, Oeuvres et Mouvements de l’Eglise, dirige l’Eglise sous l’autorité du Christ ; la continuité étant assurée par des Conseils Régionaux et un Conseil National, composés (le plus souvent à parité) de pasteurs et de « laïcs » élus pour trois ans.
De même, entre l’échelon régional et les paroisses locales, au sein d’un Consistoire (= Regroupement de paroisses locales), un Conseil de Consistoire permet de mieux organiser la desserte pastorale et la gestion de certaines activités paroissiales pouvant être faites à plusieurs (formation à la Prédication, camps de jeunes, de catéchumènes…).
Par cette structuration de l’Eglise : Eglises locales – Consistoires – Régions – Union Nationale, l’Eglise Réformée de France cherche à associer étroitement la vie locale et l’union au niveau national au travers de tout un réseau de solidarité.
– En conclusion. Le régime presbytérien synodal, une démocratie ? ou autre chose ?
Les réformés laissent dire que leurs Eglises se sont dotées d’une organisation démocratique. Mais, si par rapport à des systèmes plus hiérarchiques, on peut parler de démocratie et de liberté, n’oublions pas que cette liberté s’exerce dans l’obéissance à l’Autorité du Christ et dans la soumission commune au témoignage des Ecritures.
Le Préambule de la Discipline exprime la conviction de l’E.R.F quant au gouvernement de l’Eglise. Le texte même de la Discipline tente de mettre concrètement en oeuvre ces convictions, en n’organisant pas un pouvoir, ni d’ailleurs des contre-pouvoirs, mais en cherchant un équilibre, une harmonie entre différents lieux de responsabilité et d’autorité. Dans ce contexte, le pouvoir des ministres (pasteurs, pour la plus part), les « permanents » de l’Eglise, est limité par la présence nécessaire des laïcs. Car si c’est le Seigneur qui dirige son Eglise, tous les membres de l’Eglise sont quant à eux appelés à chercher, à découvrir et à accomplir sa volonté. Mais le pouvoir de la majorité ne s’exerce pas non plus sans limites : les questions importantes devant être soumises à l’examen des Synodes régionaux, et même certaines questions (Statuts de l’Union, Déclaration foi, Discipline, Liturgie) ne pourront être tranchées qu’à la majorité des deux tiers.
Enfin, pour bien fonctionner, ce régime presbytérien synodal, comme la démocratie, nécessite la vertu, au sens ancien de courage et de sagesse : courage de défendre ses convictions et sagesse de trouver le meilleur chemin d’avancer ensemble.
(Pr Luc Serrano d’après des présentations du Pr Olivier Pigeaud et de M. Claude Peuron)