Atelier de Lectures Oecuménique du 10 octobre 2024
Présentation: Christiane Desroches
Un ami qui vient de perdre sa mère demande à Marguerat de lui parler de résurrection. Il y a échange de lettres, celles de l’ami étant révélées par Marguerat, surtout dans son aspect commentaire et questionnement.
Dans une première lettre d’introduction, l’ami exprime sa demande sur l’après-mort. Mais comment décrire ce qui par définition échappe à l’humain ? ce qui surgira au-delà de la mort ? Les « rescapés de la mort » n’ont exploré au mieux que lointaines banlieues de la mort.
Marguerat ne peut répondre que par une offre de « croire ». Avant d’aborder la résurrection des morts, il aborde la résurrection de Jésus.
Chapitre 1 : Comment les premiers chrétiens ont-ils parlé de la résurrection ?
1ère remarque : le Nouveau Testament n’a pas de terme propre pour dire « ressusciter »
2ème remarque : les premiers chrétiens ont recours à plusieurs langages pour dire Pâques. Comme si devant l’indicible de la résurrection les mots s’étaient dérobés. Marguerat repère 3 langages :
1-Le langage de l’éveil ex : le symbole des apôtres
« Il a été crucifié sous Ponce-Pilate, il a été enseveli, le 3ème jour il est ressuscité des morts »
Le verbe ressusciter traduit 2 verbes grecs : réveiller et mettre debout, relever.
Le langage de l’éveil est celui des plus anciennes confessions de foi.
Réveiller signifie arracher à la mort, que les anciens comparaient à un sommeil.
Relever évoque le surgissement par lequel Dieu relève ce que la mort a abattu.
Le langage de l’éveil travaille sur un axe mort/vie, sur une ligne avant/après.
Il y a continuité entre l’avant et l’après. Mais ce langage peine à marquer la différence entre l’avant et l’après.
La résurrection est différente de la réanimation. Ce n’est pas un supplément de vie offert.
-quand Jésus guérit la belle-mère de Simon, il la relève (M1-31)
Il relève l’enfant épileptique (M9-27)
Jésus se lèvera pour apaiser la tempête (M8-26)
Dans ces guérisons le combat de Jésus pour la vie est déjà à l’œuvre. Toute guérison reçue dans la foi a un goût de résurrection.
D’où vient le langage de l’éveil ?
Depuis peu la foi juive s’est ouverte à l’idée de la résurrection des morts. Cf la 2ème des 18 bénédictions répétées chaque jour à la synagogue : « Tu es puissant éternellement, Seigneur, tu fais vivre les morts. » Mais la résurrection est attendue pour la fin des temps.
Jusqu’au 2ème siècle av.J.C. dominait l’idée que dans le séjour des morts, le Shéol, les défunts étaient oubliés de Dieu. Il intéressait peu. Les cultures environnant Israël connaissaient des mythes de résurrection des dieux liés aux cycles saisonniers.
Au milieu du 2ème siècle av.J.C. le souverain Antiochus IV Epiphane profane le temple de Jérusalem en y consacrant un autel à Zeus-Baal le 2 décembre 167 av.J.C. D’où la révolte des Maccabées, suivie d’une féroce répression au cours de laquelle tombent des milliers de croyants sous les coups des soldats du roi. La mort de cette foule, dont la jeunesse, pose un problème théologique crucial : qu’en est-il de la justice de Dieu si l’impie vit alors que les justes sont écrasés ? Le dogme de la rétribution est mis en échec. Daniel affirme que la récompense ou la punition sera d’outre-tombe (Dn 12,2)
L’espérance de la résurrection répond à une demande de justice, pas à la question « où vont les morts ? » ni à une aspiration de l’homme à survivre à son trépas. De même dans le Nouveau Testament les mots réveiller ou relever donne à croire que Dieu a recueilli Jésus et lui a donné raison contre ses bourreaux.
Pour les chrétiens un jour la vérité de Dieu illuminera chaque être. Ce sera la résurrection.
2-Le langage de l’exaltation
L’exaltation du juste est chantée dans de nombreux psaumes (ps30,4 ou ps35,9). Mais le schéma d’exaltation le plus célèbre est avec le personnage du Serviteur de Dieu « Voici que mon serviteur réussira, il sera haut placé, élevé, exalté à l’extrême » (Es52,13). Langage transféré sur le Christ : « Il a été enlevé pour le ciel » (Ac1,11), « Dieu l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux »(Ep1,20) L’introduction de Jésus dans la proximité du père traduit l’émerveillement de Pâques.
A l’appauvrissement radical de Jésus, jusqu’à mourir sur une croix, répond l’acte de Dieu qui élève le Christ près de lui. Jésus s’est abaissé/Dieu l’a élevé.
La foi de Pâques est ce regard qui, dans la fragilité d’autrui, repère les signes cachés de la grandeur que Dieu lui donne.
L’Ascension est une exaltation mise en récit qui dit la conviction traditionnelle du Fils élevé. La nuée est un concept théologique qui signale la présence de Dieu tout en la voilant cf l’Exode
Ce langage de l’exaltation, s’il dit que le Ressuscité ne partage plus la vie des hommes et qu’il a l’autorité pour toujours, il échoue à dire le passage par la mort.
Le langage de l’éveil permet de raconter, celui de l’exaltation est liturgique. Il convient à la prière, à l’émerveillement. Mais il risque de fixer la résurrection sur un registre de la démonstration magique.
3-Le langage de la vie
Ce langage se pose en antithèse de la mort. « Christ est mort et il a repris vie (Rm14,9) ou « je suis la résurrection et la vie » (Jn11,25)
Mais ce langage ne dit pas de quelle qualité, de quelle nouveauté est la vie de résurrection. Ne dit pas que la vie est radicalement autre.
Parfois plusieurs langages sont employés dans le même texte ( cf Rm6,9-10)
Dans le judaïsme on attend que les morts ressuscitent, mais cette résurrection est attendue au bout de l’histoire, pour tout le monde ; elle est toujours espérée, jamais rencontrée dans l’aujourd’hui. Affirmer que Jésus est ressuscité est inouï pour la pensée juive.
Quant au monde grec, l’idée de résurrection d’un mort est inimaginable. Il envisage l’immortalité de l’âme mais pas du corps.
Le discours des premiers chrétiens sur la résurrection ne peut être qu’un discours en images car les mots leur échappaient.
Lettre de l’ami
Marguerat résume les divers langages qu’il a exposés.
Le langage d’éveil est narratif : il raconte l’après vendredi saint
Le langage d’exaltation est poétique : il célèbre le triomphe de dieu sur la mort
Le langage de la vie permet de dire la persistance de la vie au travers de la mort ;
Pour l’ami, les disciples à Pâques auraient utilisé Dieu comme paravent pour occulter leur peur de la mort. Or la peur de la mort existait bien avant le 2ème siècle av.J.C. Après les massacres d’Antiochus, après le supplice du Nazaréen, les croyants ont puisé dans leur foi en Dieu la capacité de donner sens à la mort. Ce n’est pas face à la mort que Dieu a été appelé à la rescousse, c’est au sein de la relation à Dieu qu’a été pensée la mort.
Chapitre 2: Une histoire vraie ?
Il n’y a pas de témoignage direct sur la résurrection. Ni les femmes ni les disciples n’ont écrit eux-mêmes, en « je », ce qu’ils ont vécu avec l’apparition du ressuscité. Seul Paul a vu le Ressuscité et en parle (1Cor9,1).
Dans les années 40 un crédo est formulé. C’est le plus ancien témoignage connu de la foi en la résurrection de Jésus. Paul l’a utilisé dans 1Cor15,3-5 . Ce crédo précise : « il a été mis au tombeau ». La sépulture exige de prendre au sérieux la mort comme rupture. Pâques n’escamote pas le travail de deuil.
« Relevé le 3ème jour selon les Ecritures » indication forgée à partir d’un texte d’Osée du 8èmesiècle av.J.C. (Os 6,2).
« Il s’est fait voir » forme qui s’applique à Dieu apparaissant à son peuple dans l’Ancien Testament. L’utiliser pour le Ressuscité c’est associer « voir Jésus » à « contempler Dieu » (voir Dieu, c’est entendre sa parole)
Dans les récits d’apparition du Ressuscité il n’est jamais décrit, mais sa parole le fait reconnaître.
La foi chrétienne est fondée sur une chaine de visions, de Pierre à Paul, en passant par une nuée inconnue de témoins.
Luc parle d’une apparition lumineuse qui jeta Paul à terre sur le chemin de Damas (Act5).
Paul, dans Galates (1,15-16) indique que l’homme mort sur la croix est l’icône de Dieu.
Dans Corinthiens (1Cor15) il s’inscrit dans la listes de ceux à qui le Ressuscité est apparu pour y introduire à sa suite les Corinthiens eux-mêmes. Il ne parle pas de la résurrection sans en chercher immédiatement les traces dans le présent. Les femmes ne sont pas citées dans cette liste car elles n’ont pas fait école, ce ne sont pas des personnages fondateurs comme Céphas ou Jacques.
On ne peut pas prouver la résurrection. Le Ressuscité ne se donne à voir qu’aux croyants.
C’est dans l’évangile apocryphe de Pierre (vers 150) que l’on voit une foule médusée assister à l’ouverture du tombeau.
Historiquement Pâques n’est pas prouvable. Pour Paul la « preuve » de la résurrection est le succès de son œuvre missionnaire, les croyants qui sont venus à la foi. On voit Jésus dans l’efficacité d’une parole, dans l’œuvre de la grâce. Avant d’être un objet de croyance, c’est le lieu de la foi. Croire la résurrection c’est faire confiance à un Dieu qui relève, qui met debout, même après le plus total échec.
Lettre de l’ami
Pour l’ami Pâques est un évènement trop fragile. Pas de preuves matérielles, pas de témoins objectifs, qu’une poignée d’enthousiastes exaltés. Est-ce une hallucination collective due au traumatisme collectif, à la frustration, au désir de voir le Maître échapper à ses bourreaux ? Dès le 2ème siècle il y a une controverse antichrétienne (Celse, Origène).
Or –les hommes de Pâques n’attendent pas le retour de Jésus. Ils sont résignés à l’échec et surpris par la vie retrouvée de leur maître.
-échec de l’auto persuasion pour Paul
-la vision de Ressuscité est un retournement du regard sur la croix : cet instrument de mort est alors considéré comme le lieu de la révélation de la transcendance de Dieu.
Seul indice d’une intervention extérieure : « il s’est fait voir ».
Oui la foi de Pâques est une foi vulnérable, comme le montrent les assauts de l’intelligence. Mais aimer la vie est consentir à une certaine vulnérabilité.
Chapitre 3: Un tombeau ouvert
De nombreuses invraisemblances dans cette histoire.
– Avec la chaleur palestinienne, ouvrir un tombeau après 3 jours… Les rites funéraires étaient tolérés le jour du sabbat (respect sacré des morts). Le cadavre des condamnés à mort était livré aux chiens. Or le fait de ne pas avoir de sépulture était vu comme une malédiction, qui coupait le défunt des pères (Dt28,26)
– La quantité de myrrhe et d’aloès (30kg selon Jean 19,39) est digne d’obsèques royales.
– Les femmes ne pensent à la pierre qui ferme le tombeau qu’en chemin. Elles ont peur devant le tombeau ouvert mais il y a aussi des violeurs de tombes dans l’Antiquité.
– La présence de l’homme en blanc, l’ange.
La venue d’un ange signale la valeur exceptionnelle d’une parole exceptionnelle.cf naissance de Jésus
Dans l’histoire du tombeau ouvert l’ange est porteur de la vérité de Dieu sur le monde : c’est pourquoi seuls les croyants peuvent savoir que l’ange dit vrai.
La pierre roulée dit l’impossible capture du Christ.
La marche des femmes au tombeau avoue l’attachement impuissant. Jésus n’est désormais qu’un gisant.
La pierre roulée annonce le pèlerinage de la mort à la vie.
Le corps introuvable de Jésus projette les femmes dans une nouveauté de vie qui les laisse comme démunies.
Au lieu d’un corps c’est une parole qui emplit l’espace :
-le crucifié a été relevé par Dieu
-il n’est pas ici
-il y a un message à faire passer aux disciples : il les précède en Galilée (Mc16,6-7)
La nouvelle à faire passer aux disciples ne concerne pas l’absence du corps, elle signale le lieu nouveau de la présence. Marguerat préfère parler du tombeau « ouvert » plutôt que du tombeau « vide » car au jour de Pâques la mort subit une effraction de son pouvoir.
Dans l’évangile de Marc les femmes ne parlent pas, épouvantées par cette histoire d’un mort qui ne l’est plus. La fin de cet évangile (Mc16,9-20) émane d’un cercle de chrétiens dans le courant du 2ème siècle (apparitions de Jésus, demande d’évangélisation, don de guérison, élévation au ciel)
Marc veut faire entendre 3 choses :
-le rôle de la peur : Pâques est une absolue surprise ; il y a perte des points de repères ; crainte devant le mystère de Dieu.
-le risque du silence : difficulté à croire la résurrection pour les femmes comme pour les disciples. Même la bonne nouvelle de Pâques se donne dans une parole humaine.
-la rencontre avec le Ressuscité : que se passera-t-il en Galilée ? Le renvoi à la Galilée est gros de toute la vie de Jésus. Il invite à reprendre la trace de celui qui incarnait la présence de Dieu.
L’acte de résurrection n’est pas décrit. « Il a été relevé ».Le mystère de Dieu échappe à l’histoire. La résurrection demande à être habitée, non racontée.
La crucifixion appartient à l’histoire. La croix a été vue de tous. Pour certains c’est une scène quelconque, pour d’autres c’est la mort du Fils de Dieu. La différence porte sur la signification non sur les faits. Pâques est une expérience visionnaire réservée à certains (femmes croyantes, disciples)
Lettre de l’ami
L’ami reproche une lecture poétique du texte de Marc, mais il n’a qu’une question : la tombe était-elle vide ou pleine ? Or la vérité est affaire de sens, pas d’exactitude documentaire. Marguerat utilise une comparaison : « je ne m’intéresse pas à la formule chimique de la peinture de Van Gogh mais à la façon dont ses tableaux me font regarder le monde. »
La résurrection a eu lieu au sein de l’histoire, elle a bouleversé des êtres de chair et de sang. Croire la résurrection n’est pas acquérir un supplément de savoir objectif ; c’est adopter une position sur la vie qui rejaillit sur ma propre existence.
Chapitre 4: Reconnaitre la vie
Les récits des apparitions de Jésus sont variés et comme pour le récit du tombeau ouvert, présentent de nombreuses incohérences.
-Jésus se manifeste exclusivement en Galilée (Mt28,16) ou exclusivement à Jérusalem (Luc24,33-36) ou aux 2 endroits (Jn20,14,19,26 ;21,1)
-il refuse d’être touché (Marie-Madeleine) ou demande qu’on le touche (Thomas)
-erreur sur son identité (Marie-Madeleine) ou aussitôt reconnu (compagnons d’Emmaüs)
-échappe aux lois physiques, passe les murailles (Jn20,19) ou insiste sur la matérialité de son corps en mangeant (Luc24,39-43)
Il s’agit de récits d’une expérience vécue. Ils ont en commun :
-seuls des croyants sont impliqués
-la rencontre se fait à l’initiative de Jésus-la rencontre pointe sur l’identification par la marque des clous du Crucifié
-l’envoi missionnaire assorti d’une promesse. Le message de Jésus s’adresse à tous. Pâques est la date de naissance de l’universalité du christianisme.
Marguerat reprend les divers récits des apparitions de Jésus.
– Dans Luc (24,13-35) le long chemin parcouru par les compagnons d’Emmaüs avant de reconnaitre Jésus nous apprend le chemin de tout deuil. La résurrection n’escamote pas la souffrance du trépas mais affirme que cette souffrance peut accoucher de la joie.
– Dans Jean (20,11-18) Marie-Madeleine ne reconnait Jésus que lorsqu’il l’appelle par son nom. Au corps à voir et à toucher se substitue une parole à entendre et à dire.
– Dans Jean également (20,19-23) Jésus rejoint les siens au 1er jour de la semaine. Marguerat voit dans ce récit un lien avec le pardon : pardonner c’est consentir à cette ouverture qui m’arrache à mon enfermement. Le pardon atteste la victoire de la confiance sur la peur.
– Dans Luc (24,36-43) Jésus demande à manger. Luc veut éviter que le Ressuscité soit pris pour un pur esprit (cf les Grecs), ce qui risquerait de le voir manipuler par tous les charismes friands de surnaturel.
– Dans Jean (20,24-29) Thomas doute. La résurrection n’est qu’un regard de foi posé sur des plaies. Ce n’est pas la promesse d’un retour à ce qu’était la vie avant que tout chavire. Mais d’une vie brisée, de blessures profondes, peut surgir une vie nouvelle et inattendue.
– Dans Jean (6,16-21) Jésus marche sur les eaux. Les disciples sont seuls, dans l’obscurité. Le maître est absent, la mer est démontée. De même les croyants sont menacés et ils sont seuls. La traversée de l’angoisse est nécessaire. La vision de Jésus ne calme rien. Mais Jésus les rassure. Quand ils veulent le prendre dans la barque ils accostent. On ne peut pas mettre la main sur Jésus. Pour Jean il s’agit de répondre à la question de l’absence du Seigneur. Face au mal le Ressuscité vient secourir, mais à travers la fragilité d’une parole : « c’est moi, n’ayez pas peur ».
– Dans Jean (21,1-14) la pêche est surabondante au bord du lac de Tibériade. La pêche symbolise la mission. Les 153 poissons signalent l’universalité de l’Eglise. La mission peut être féconde à condition que la parole et l’action des croyants soient axées sur la présence du Ressuscité.
Le mot ultime est que la vie triomphera.
Lettre de l’ami
L’ami se pose des questions : les apparitions du Crucifié sont-elles liées à l’imagination des évangélistes ? Les récits d’apparition peuvent-ils être sans fin dans leur diversité ?
Marguerat répond « non » à la 1ère question. Les évangélistes s’appuient sur des traditions.
Il répond « oui » à la 2ème. La vision du Ressuscité était fondatrice de la foi. Les récits ont proliféré dans les 2 premiers siècles. C’est pourquoi Luc a limité les apparitions de Jésus à 40 jours après sa mort.
Les premiers chrétiens ont transmis une histoire de la résurrection, non un concept de résurrection. On ne peut raconter la résurrection en dehors d’une histoire de vie où elle exerce son effet.
Autre question : Luc a-t-il composé lui-même l’histoire de Jésus demandant à être touché et mangeant devant ses disciples ? (Luc24,36-43)
Pour Marguerat « oui » car Luc s’oppose à la tendance de souligner que le corps de Jésus est « autre ». Et son objectif est théologique : il soutient l’authenticité de l’évènement. Et enfin le texte est saturé d’expressions propres à Luc.
Mais cette opinion a valeur d’hypothèse.
Chapitre 5: Comment ressusciter ?
Question : A quoi ressemble l’après-mort ? Quel corps aura-t-on là-bas ?
Les chrétiens ont longtemps refusé l’incinération pour conserver la dépouille pour le jour de la résurrection.
Les récits de Pâques nous montrent un Jésus ressuscité qui défie les lois physiques. Il est lui mais son corps est d’une autre nature.
Et pour la résurrection des morts ? cf la femme aux 7 maris (Luc20, 27-33).
Les Saducéens n’admettaient guère cette nouveauté qu’était la foi en la résurrection. La question : duquel des 7 frères la femme sera-t-elle l’épouse, montre une conception matérialiste de la résurrection. Les rabbins se demandaient comment ferait Dieu pour caser tout le monde dans le Royaume, qui avait les dimensions de la terre sainte. La réponse de Jésus indique une différence radicale entre vie terrestre et nouvelle vie : « ils sont pareils aux anges ». La résurrection est une re-création .
Paul a cette même approche. Mais pour lui la résurrection transforme seulement les justes. Rien n’est dit sur le sort des mécréants. Comme si Dieu ne les tirait pas du néant de la mort. Pour d’autres ils sont jugés et envoyés aux peines éternelles.
Les textes juifs ont déployé beaucoup d’imaginaire sur le sujet. Le Nouveau Testament est plus sobre. Les chrétiens ont opté pour le scénario théologique : le monde de la résurrection est aussi inimaginable que Dieu lui-même. Donc pas de description de l’au-delà. Paul a été conduit à argumenter la résurrection (1ère lettre aux Corinthiens, ch.15)
-Christ a ressuscité des morts donc il y aura résurrection des morts (1co15,12) ; elle se déroulera à la fin des temps lors de la venue du Messie : ceux qui lui appartiennent ressusciteront puis il détruira la mort.
Comment, avec quel corps ? Paul prend l’image de la graine : « toi, ce que tu sèmes ne prend vie qu’à condition de mourir. Et ce que tu sèmes n’est pas la plante qui doit naître, mais un grain nu de blé ou d’autre chose. » (1Co15,36-37)
-la résurrection est une recréation qui suit la mort
-il n’y a pas de ressemblance entre la vie d’avant et la vie d’après.
-il y a une différence qualitative des corps (hommes, bêtes, corps célestes, corps terrestres), il y aura le même principe pour la nouvelle création. Un être humain est un corps matériel, le corps ressuscité sera spirituel.
Pour les chrétiens la condition de l’homme n’est pas enfermée entre naissance et mort. La foi chrétienne vit de cette conviction que la valeur de chacun n’est dictée ni par les circonstances ni par le regard des autres mais par sa présence dans la mémoire de Dieu.
La promesse du monde nouveau introduit à l’égard des injustices de ce monde une insatisfaction, un ferment critique, une espérance, tout le contraire du fatalisme, du repli sur soi.
A quoi ressemblent les corps spirituels des ressuscités ?
La foi juive puis les chrétiens ne peuvent concevoir une résurrection qui ne soit pas la résurrection des corps. Comme Jésus gardant ses plaies, nous ne serons pas relevés sans l’intégralité de notre histoire. L’expression « corps spirituel » est une invention de Paul ; c’est un moi totalement disponible à Dieu.
La croyance en l’immortalité de l’âme a longtemps été défendue par les chrétiens. Souvent on opposait résurrection du corps et immortalité de l’âme.
Calvin admet que l’âme est immortelle, Luther non. En fait 2 conceptions de l’humain : l’une par la substance (quelque chose perdure en l’homme après sa disparition) ; l’autre par la relation (l’âme est en lui ce qui le relie aux autre et à Dieu). Par- delà la brèche du trépas, ce « moi » qui perdure dans la mémoire de Dieu sera refondé par Lui.
Dans le discours de Paul 3 convictions :
-pas de continuité entre l’avant et l’après-mort
-la résurrection est l’œuvre de Dieu
-permanence du moi personnel entre l’avant et l’après-mort. Dieu recueille dans le Royaume ce que l’individu a fait de sa vie.
Paul parle par allusions, par images. Comme s’il disait « je ne sais rien de l’au-delà mais j’ai confiance en ce que je crois »
Résurrection et réincarnation sont incompatibles. Certains chrétiens tentent de combiner les deux.
– Pour la réincarnation, la migration des âmes s’inscrit dans l’ordre naturel des choses, suivant un automatisme dicté par la conduite de l’individu.
Elle fonde une foi strictement individualisée. On survit seul, sans lien ni solidarité avec autrui. Elle est régie par les œuvres du défunt ; l’humain est réduit à la somme de ses actes. Elle banalise la mort qui n’est qu’un transit vers une vie meilleure.
-La résurrection est un acte créateur de Dieu où la grâce répond à la décision de foi du croyant
Jésus plaçait le souci d’autrui au cœur de la dignité humaine. L’homme n’est pas enfermé dans l’enclos de ses fautes.
Dans l’évangile de Jean la vie éternelle c’est la plénitude de vie offerte par le Christ, que le croyant goûte ici-bas et qui se poursuivra au-delà de la mort. Ce sont donc les vivants qui sont appelés à ressusciter. D’autres, encore vivants, sont spirituellement morts.
Lettre de l’ami
Question : « Où sont nos morts ? ». C’est le mystère de Dieu. Le Nouveau Testament n’en parle pas.
Marguerat retient 2 notions :
-la communion des saints. Nous sommes reliés aux défunts en Dieu. Nous formons communion.
-La mémoire de Dieu. Si les défunts existent dans la mémoire de Dieu, je ne me fais plus de soucis pour eux. Il faudrait retrouver l’habitude de faire mémoire des morts pour nous ancrer à nouveau dans la compassion de Dieu.
Question : « qu’en est-il de la résurrection des incroyants ? Silence du Nouveau Testament
La question est laissée au secret de Dieu.
La foi en la réincarnation risque d’augmenter l’envie de parfaire sa vie dans une vie meilleure et le désir de se prolonger soi-même.
La foi de Pâques dit l’horreur et l’injustice de la mort ; elle dit aussi vers quel Dieu je m’avance. La résurrection est un acte de communion. Je ne serai pas relevé seul et pour Dieu.
« Ma mort est personnelle, je devrai l’affronter seul. A la résurrection je découvrirai quantité de sœurs et de frères. »
« On parie ? »